Il est des histoires qui nous émeuvent, des destins qui nous bouleversent, des voix que l’on entend, douces et discrètes, mais chargées d’un poids insoutenable. Aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous l’histoire de Benoit. À 33 ans, Benoit porte en lui des marques indélébiles d’une vie de souffrance et de combat, un récit non pas rédigé sur du papier, mais gravé dans sa chair et dans son âme.

Benoit, dont le nom signifie « bien-né », n’a pas eu la chance d’une naissance facile, n’a pas eu le privilège d’une enfance insouciante et pleine de promesses. Au lieu de cela, il a subi les rues impitoyables et a été confronté bien trop tôt à la dure réalité de la vie. En dépit de ces défis, il est apparemment parvenu à conserver son humanité, son amour pour la beauté et sa capacité à apprendre et à grandir.
Introverti par nature, Benoit est un homme de peu de mots en public, mais lorsque vous le lisez, vous êtes frappé par la richesse de son vocabulaire, l’éclat de son esprit et la profondeur de ses sentiments. Les références mythologiques et artistiques dans ce récit révèlent un esprit curieux et affamé de connaissances, un contraste frappant avec l’image stéréotypée que la société pourrait avoir de lui. Rassurez-vous si vous n’êtes pas très au point en mythologie: la fin de cet article abordera les explications.
Il est temps maintenant de vous laisser découvrir par vous-même les mots de Benoit, de ressentir la puissance de son histoire, l’ardeur de sa résilience et la noblesse de son esprit. Car même si je ne le connais pas beaucoup, je peux vous assurer d’une chose : son courage est admirable et sa détermination, une véritable source d’inspiration.
En direct de ma post-cure, aujourd’hui.
A ces substances qui paraissaient promesses d’immortalité et qui se révéleront être mes plus acharnées Némésis.
Je vous écris dans la douleur pour vous signifier qu’il est effectivement temps de nous séparer.
Je vous écris comme à une fidèle amante et comme à mes plus fidèles amis et donc en toute sincérité.
Cela aura bien duré notre aventure mais entre les remugles alcooliques et les vapeurs éthérées, je n’arrive plus à m’en sortir. A faire la part des choses. Je dois me détacher de vous avec cette douleur teintée de remords et de regrets.
Il faut bien compter aussi nos avaries du creux du désespoir et les risques pris en toute illégalité quand nous chassions le dragon que l’on prisait, fumait ou inhalait les substances indues.
Il n’est plus possible pour nous de continuer ainsi.
J’ai gâché ma vie a tenter de fuir hanté par de bien tristes et nombre réminiscence.
Dans les douleurs des souvenirs d’une enfance difficile qui allait devenir la primeur d’une triste vie émaillée de violences diverses, tant physiques que psychologiques. L’alcool, le cannabis et les drogues plus dures et les plus traîtres en guise de cataplasme mental et moral pour se perdre dans l’oubli en croyant y trouver son salut.
Eh bien! Il faut que tout cela s’arrête. Et incessamment!
J’ai erré mon existence durant en buvant l’ambroisie à satiété, j’ai bu la coupe jusqu’à la lie et j’ai même tenté de remplir le tonneau des Danaïdes.
Et tel Sysiphe je me suis retrouvé au bas de la montagne à chaque fois que j’ai tenté de la gravir en espérant atteindre l’Olympe.
Aujourd’hui je ne peux plus continuer ainsi à fuir le passé dans un vague brouillard qui obscurcit même l’avenir.
Avenir que je n’arrive plus à envisager sereinement et de façon pérenne à force de vivre au jour le jour. Il me faut donc vous dire définitivement adieu afin de m’émanciper de votre joug.
Il me faut donc repartir de zéro et écrire les pages blanches qui me restent à vivre ex nihilo car je ne peux plus compter sur la création ex materia que vous représentez. Faire abstraction du passé pour le renier sans oublier toutes mes mortelles ivresses et mes fatales défonces au fil de mes errements.
Soyons lucides! Il est grand temps de nous séparer après des années passées à se côtoyer. Cela aura bien duré entre nous, l’alcool dès l’enfance, initiée par des bourreaux irresponsables, l’alcool toujours accompagné des mystères du haschisch des l’adolescence et la découverte des mystiques drogues dures à l’âge adulte.
Vous qui furent mes soutiens lors des longues phases de dépression mais vous aussi qui furent les artisans de mon autodestruction.
Vous qui m’avez accompagné aux tréfonds des enfers et au pied du Tartare, vous qui avez accompagné mon ascension de mes propres Golgotha et mes errances hallucinées dans les milieux interlopes lorsque j’étais sans abris et vulnérable.
Vous qui vicieusement me tendiez la main pour me donner l’illusion de vouloir me sortir du caniveau dans lequel vous m’aviez cruellement poussé.
Je vous écris également afin de concevoir une délivrance cathartique à travers ces mots pour être débarrassé de ces peurs et de ces doutes qui me rongent inéluctablement.
Délivrance également de la dépression sévère que vous induisez sournoisement.
Il me faut me débarrasser de vous comme lorsque l’on sépare le bon grain de l’ivraie. Je porterai la croix et mon fardeau sans plus écouter nos fallacieuses promesses pharisiennes. Il me faut trouver d’autres leviers d’Archimede tels la littérature ou la musique et les somptueuses évasions qu’elles permettent.
Il est temps de se dire adieu sans atermoiements ni pleurnichements inutiles et ainsi mettre fin au cycle de longs cauchemars qui ont trop longtemps régi ma triste existence et oser rêver d’autres choses.
La quiétude du dormeur du Val loin des paradis artificiels, se laisser choir dans la fraîcheur de l’aube et divaguer au hasard des Paradis Perdus si chers à Milton dans la douceur du soir, entre le Ciel et l’Enfer ébloui par la splendeur des peintures de Blake. Voir la beauté de Satan dans les fleurs de Baudelaire et se laisser guider par Rimbaud lors d’une saison en Enfer. Mais la liste est longue de ceux qui permettent l’expiation dans cette divine comédie. Et de toute façon mes rêves ont l’aventure de mes désillusions.
C’est donc dans la douleur certes mais sans regrets aucun que j’accepte les morsures cruelles du passé pour envisager l’avenir.
Un avenir dont je vous exclu fermement dans mon désir de vous excommunier et de vous bannir comme le firent les premiers hommes de l’Eden.
Je vous le redis, je porterai mon fardeau, je traînerai mon passé comme autant de bracelets et de chaînes mais je ne veux plus être votre otage et votre forçat.
Je n’oublie pas non plus et ceci a jamais que vous avez été les instruments de la perdition de ces gens proches et de ces connaissances qui ont peuplé ma vie.
Parfois vous n’avez pris que leurs raisons quand d’autres fois vous avez pris jusqu’à leur vie et vous avez accompagné leur existence jusqu’aux obscurs tombeaux.
Je décompte ainsi parmi les proches que j’ai perdu ainsi que parmi mes connaissances au moins une dizaine d’entre eux qui ont été fauchés par l’amour qu’ils avaient des létales oublis qu’ils ont cherché en vos bras.
Overdose, maladie mais aussi suicide ou meurtre, vous avez été les instruments de bien odieux dessins et de bien fatales conclusions.
Et c’est ainsi que je vous quitte et que je vous adresse un adieu que j’espère éternel. Je composerai désormais avec mes spectres et démons, ma solitude et ma tristesse, mon passé et mes larmes, mes souffrances et mes souvenirs, je porterai ma peau de chagrin mais je ne regarderai plus le portrait se dégrader.
Au plaisir de ne plus jamais faire commerce avec vous, je rompt l’obscur pacte qui nous liait. J’ai consacré ma vie à l’anéantir désormais je n’oublierai plus. Memento Mori.
Ressasse et subit mais ne suppli jamais.
Mon cœur est un cercueil mais ma tristesse a trouvé mon stylo.
Voilà donc l’histoire de Benoit, un récit de lutte et de résilience qui force le respect et nous rappelle que chaque individu, quelle que soit sa condition, porte en lui une lueur d’espoir et une volonté de se surpasser. Benoît, malgré les années de douleur, les épreuves insurmontables et l’isolement cruel, a réussi à trouver un chemin vers la guérison et à se reconnecter avec l’humanité.
Il est impressionnant de constater combien, malgré les circonstances difficiles, l’esprit humain peut puiser dans une source intérieure de courage et de résilience. Les références érudites de Benoît, son choix précis de mots, et son habileté à exprimer sa douleur et son espoir sont des témoignages de sa force intérieure et de sa capacité à se transcender.
Benoît, il y a des personnes qu’on ne connaît à peine et qui sont pourtant très inspirantes. Tu l’as été pour moi. Nos chemins se séparent dans peu de temps, mais tu as su me confirmer que quelle que soient ses origines, quel que soit son niveau d’introversion, une personne cache peut-être en elle une personne fantastique. Et pour ça, merci. Bonne route!
(Bon je balance ce bonne route comme ça, parce que je n’ose pas lui dire que le blog lui sera toujours ouvert, et que je me ferai même un plaisir à lui donner des droits de rédacteur pour qu’il puisse écrire directement. Tout en étant là si jamais il ne sent pas la mise en page et les rouages de WordPress ☺️)
Les références mythologiques et artistiques pour mieux comprendre certains passages.

- Les Fleurs de Baudelaire : C’est une référence aux « Fleurs du mal », une collection de poèmes de Charles Baudelaire. Ce recueil, controversé pour son exploration de thèmes sombres et transgressifs, pourrait refléter la propre lutte Benoit avec des expériences traumatisantes et la dépendance. La « beauté de Satan » pourrait être une allusion à la fascination malsaine pour la dépendance, qui est à la fois séduisante et destructrice.
- Une saison en Enfer de Rimbaud : Arthur Rimbaud est un poète français dont l’œuvre « Une Saison en Enfer » décrit sa quête spirituelle et sa descente dans l’enfer personnel de sa propre vie.
- La Divine Comédie : C’est une œuvre épique de Dante Alighieri, qui décrit un voyage à travers l’enfer, le purgatoire et le paradis.
- « Le Dormeur du Val » est un poème d’Arthur Rimbaud, dépeignant un soldat mort dans un vallon, de manière paisible et innocente.
- Ciel et l’Enfer de Blake : Il s’agit d’une référence à « Le Mariage du Ciel et de l’Enfer », une œuvre de William Blake. Blake utilise des images de l’enfer pour critiquer l’autorité oppressive.
- Le Jardin d’Eden : C’est une référence à l’histoire biblique d’Adam et Eve, qui ont été expulsés du Jardin d’Eden après avoir désobéi à Dieu.
- Némésis : Dans la mythologie grecque, Némésis est la déesse de la vengeance et de la retribution, elle punit l’hubris, l’excès de fierté ou d’arrogance.
- Tonneau des Danaïdes : C’est une référence à un châtiment infernal dans la mythologie grecque où les Danaïdes sont condamnées à remplir éternellement un tonneau sans fond avec de l’eau.
- Sysiphe : Sysiphe est un personnage de la mythologie grecque condamné à pousser éternellement un rocher jusqu’au sommet d’une colline, pour le voir retomber à chaque fois avant d’atteindre le sommet.
- Olympe : L’Olympe est la montagne résidence des dieux dans la mythologie grecque.
- Tartare : Le Tartare est la partie la plus profonde des enfers dans la mythologie grecque, un lieu de torture pour les méchants.
- Golgotha : Le Golgotha est le lieu où Jésus-Christ a été crucifié dans la tradition chrétienne.
- Levier d’Archimède : Archimède, un mathématicien et ingénieur grec ancien, a dit « Donnez-moi un point d’appui et un levier assez long, et je soulèverai le monde ».
- Les deux dernières phrases sont tirées de chansons de VII, rappeur aux textes assez sombres mais très percutants.
- La peau de chagrin est une référence à un roman de Balzac qui s’inscrit dans La comédie humaine, une série de livres écrits par Balzac. Le thème en est le désir et le prix qu’il en coûte.
- La phrase ou il est question de ne plus regarder le portrait se dégrader est une référence au portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde. La encore le thème en est le désir, l’accomplissement de ses désirs au détriment de sa vie.
- Memento Mori est une locution latine que l’on pourrait traduire par Souviens toi que tu vas mourir. Elle signifie que nous sommes peu de choses sur Terre et est un rappel à l’humilité.
- Séparer le bon grain de l’ivraie est une célèbre parabole dans la Bible.
1 réflexion sur “Un texte juste poignant…”
Eh bien ! Que d’éloges pour ce texte écrit « à l’instinct ». Il ne m’a pas pris énormément de temps mais j’y ai mis mes tripes.
Enfin un grand merci pour cette tribune. Et merci pour l’invitation ☺️