Quand j’ai vu mon ange gardien la première fois, je sortais tout juste de mon sevrage physique pour rentrer en post-cure. C’était le 14 avril.
C’est ce jour que j’ai découvert Dorine, art-thérapeute de l’établissement dans lequel j’étais.

J’ai bien eu une présentation rapide sur papier de ce qu’elle proposait, et pour être franc ça ne m’emballait pas du tout. Au programme:
- Écriture créative ✍️📚. On y crée des textes, activité sensée pouvoir nous retrouver et exprimer des choses au fond de nous. Un mois auparavant, j’étais encore incapable d’écrire, les seuls moments de clarté que j’avais me faisaient trembler bien trop pour que je puisse ne serait-ce que signer.
- Zentangle 🖌️. Le plus bizarre de tous sur le papier. Un carré de 9×9 cm, un stylo, et notre imagination. Il paraît, comme le dit le nom de l’activité, que c’est zen. Je n’y croyais pas.
- Théâtre 🎭. Des activités pour jouer, improviser,… Ayant déjà quelques centaines d’heures de pratique derrière moi, je me doutais bien qu’on n’irait pas loin.
Comme je m’y suis engagé envers moi-même, je décide d’aller à tous les ateliers facultatifs proposés par le centre. Donc je n’y coupe pas: ce sera théâtre le 21 avril. J’y rencontre un petit bout de femme, énergique et pétillante, avec un sourire jusqu’aux lèvres 😄❤️. A y réfléchir, cela fait plus d’un an que je n’ai vu quelqu’un me sourire comme ça. Bon, je reste prudent et me dis « pas possible que ce soit un sourire franc, ça doit faire partie de ce métier » 😅. Métier, art-thérapeute, au nom peu engageant. Pour moi, l’art, c’était un truc triste, consistant à faire semblant d’admirer des peintures ou des sculptures dans des musées dont on a envie de s’échapper rapidement. Comme disait IAM: « culture, peinture, sculpture mais je vois dans le fond Nourriture! » 🎵
Puis durant l’atelier théâtre, que j’ai énormément aimé, j’ai constaté que ce n’était pas un sourire de façade. Elle était avec nous, dans l’atelier, à rire avec nous aux diverses absurdités hilarantes qui jaillissent. J’ai été très étonné, au bout d’une petite heure, à me dire « il faut que je me remette à l’impro en sortant d’ici » 😮. C’est la première chose que je voulais faire réellement depuis presque deux ans, pendant lesquels toute motivation avait disparue. Une heure d’atelier et me voilà déjà prêt pour une activité extérieure. Oui, le théâtre d’improvisation, c’est une forme d’art 🎭. Je dois ranger peut-être mes idées reçues. Je ressors de cet atelier content, satisfait de ce moment de déconnexion d’avec la réalité, pas rose à ce moment-là 😄🎭.
Puis, découverte du fameux Zentangle 🖌️. Même accueil souriant 😊. Instructions : tu prends une règle, tu fais un carré de 9×9, et tu dessines des formes qui se répètent, comme ça vient. Laisse-toi porter et ça viendra tout seul. « Elle est drôle, elle ! Je dessine comme une quiche 🥴, et je dois faire ce qu’il me passe par la tête ? Sans règle, sans compas ? » 😅
Je m’exécute et je commence à tracer à partir d’un coin de mon carré une sorte de symbole « signal wifi » qui s’étend jusqu’au coin opposé de mon carré. C’est moche et pas régulier. Pas grave. Elle l’aura voulu : je fais le même signal wifi partant du coin opposé pour revenir au premier coin. Toujours moche. Mais ça forme une sorte de damier biscornu. Je me lance du coup dans le remplissage d’une case de damier sur deux. À peine un dixième de mon damier rempli, Dorine annonce en chuchotant : « il faudra bientôt penser à arrêter » 😯. Je lève la tête, regarde ma montre : ça fait 1h15 que je suis là. Je réalise aussi qu’elle avait mis une douce musique de piano en fond sonore 🎶. J’ai été hypnotisé par mon propre dessin. Moi qui ne suis pas du tout réceptif à tout ce qui est méditation, relaxation, j’ai été absorbé par ma création. Hop, un nouveau truc : dès ma sortie, en cas de grosse tentation, un truc à faire sera de prendre une feuille, un stylo, mettre de la musique douce et commencer à gribouiller ✍️🎶.
Puis est venu l’atelier d’écriture créative 📚. Accueil souriant tout ça (je ne le répéterai qu’une fois, mais ce sera le cas sur tous les ateliers, tous les moments où j’ai croisé Dorine). Première activité : l’histoire cachée (il n’y avait de nom donné mais je l’ai appelé comme ça). On prend une feuille A4, on écrit en haut deux lignes. Un point à la fin de la première ligne est un plus. Puis on cache la première ligne en pliant la feuille vers l’arrière, et on passe la feuille à son voisin de droite. Et on récupère la feuille du voisin de gauche. On voit donc une ligne, qu’on complète si possible logiquement avec une ligne en dessous. Puis on cache la première ligne, et on passe au voisin, etc. À la fin, chacun déplie sa feuille et lit le texte entier. Nous avons tous ri 😄. Oh ? Mais ça fait combien de temps que je n’ai pas ri, si ce n’est au théâtre la semaine dernière ? Une éternité. Et c’est bon.
Les semaines s’écoulent et je participe à quasiment tous les ateliers de Dorine. De vrais moments d’évasion pure, me déconnectant de la réalité le temps d’une heure, une heure et demie 😊🎨.
Mon damier fini, Dorine me demande une chose que je n’attendais pas : donner un titre à mon œuvre 🖼️. J’ai longuement regardé mon œuvre pour voir qu’en fait le damier est comme perturbé par une onde qui vient du coin inférieur droit. D’où le nom « le perturbateur » 😅. Rapporté à moi, ce dessin symbolise ma vie, entièrement chamboulée par un événement d’enfance. Je comprends alors que l’art-thérapie sert aussi à aller chercher en soi les origines d’une mauvaise ou bonne chose. De la même façon, nous avions comme exercice d’écriture créative de faire un texte avec 6 mots que nous avions choisis dans un exercice précédent. J’ai été amené à écrire un texte sur Draculo, lointain descendant de Dracula. Conditionné par sa mère, il évite le soleil sans même se demander pourquoi, sans vérifier lui-même si le soleil est réellement dangereux pour lui. Belle métaphore de ma vie, conditionnée par ce que j’étais petit, avec les mêmes impacts : beaucoup moins de vie sociale qu’on ne puisse l’espérer. Ce n’est qu’après, lors de la lecture de mon texte (et avec l’interrogation de Dorine) que j’ai réalisé la chose. Je ne l’ai pas ressenti sur le moment, absorbé que j’étais par la manière de caser mes six mots de la manière la plus subtile possible 😉
Durant tous ces ateliers, j’ai pris du plaisir 😄. J’ai constaté que derrière mes compagnons d’infortune se cachaient des êtres sensibles. J’ai repris confiance en moi, comme très peu auparavant. J’ai réalisé à quel point on peut faire un métier et y prendre un réel plaisir 😊🎨. Parce que Dorine fait son job avec une passion phénoménale. Toujours souriante, toujours à l’écoute, ou alors dans une sincère empathie, elle ne fait pas semblant 😊. J’écris cet article alors qu’il ne me reste que trois ateliers. Mais je sais qu’elle rejoindra ces personnes croisées un temps limité mais qui ont beaucoup fait pour moi. Comme ce prof de physique au lycée qui m’a impressionné par son dévouement. Comme ce pote de régiment qui savait tout prendre du bon côté des choses. Comme cet instit’ qui savait être à l’écoute. Ma vie a brutalement changé en trois mois. Certes, j’ai fait une grosse partie du taf’, mais Dorine a su apporter de précieuses pierres à l’édifice. Avec sourire, talent, professionnalisme et gentillesse. Je lui dois beaucoup 🙏.
Merci mon ange gardien ! 😇❤️