Mon parcours d’alcoolique: naissance, chute et renaissance.

Parcours d'un alcoolique, année par année

Mon parcours d'alcoolique

Parce que tu as pris la peine de chercher qui est derrière ce site, je te propose de t’offrir ce que j’aurais été totalement incapable de faire il y a encore 2 ans : VRAIMENT parler de moi, partager mon histoire personnelle et mon parcours de vie. Ici, tu vas découvrir mon parcours, mes moments de chute et de renaissance, jusqu’à devenir la personne que je suis aujourd’hui.

Mon père a préféré se casser avant que je voie le jour. S’il n’avait pas envie de moi, il a bien fait.

Un crétin fini arrive à conquérir ma mère. Pendant les 15 ans qui suivront, il n’arrêtera pas de me dénigrer et arrivera à me persuader que je ne vaux rien, que je ne mérite pas d’être aimé, que je serais certainement mieux mort.

J’arrive au collège. Comme je n’ai pas confiance en moi, j’offre aux autres l’opportunité de se défouler sur moi. Et ils ne s’en privent pas.

Naissance de ma sœur (ouais, ma demi-sœur, mais pour moi c’est ma sœur).

Arrivée au lycée. Les têtes changent, mais je suis toujours le souffre-douleur.

Je tombe amoureux d’une fille. Mais évidemment, comme j’estime qu’elle ne me mérite pas, j’en souffre. Pendant 4 ans. Premières idées noires, j’ai attendu le long d’une voie de chemins de fer. Ce sont deux passants qui m’ont interpellé de loin qui m’ont stoppé dans mon projet.

Premier job. Qui ne me conviendra pas. Comme les 7 suivants, qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Ben oui : je ne mérite pas de progresser ni de m’épanouir au boulot.

Je rencontre ma future femme. Je mettrai inconsciemment tout en place pour lui donner l’occasion de me faire des reproches. Parce que hey, il faut que j’entretienne cette certitude de ne rien valoir.

Je sors du cadre de la « consommation d’alcool raisonnable », en multipliant les soirées et les occasions de boire. Je ne m’en rends pas compte.

Naissance de ma fille. Je suis depuis 2 ans dans un boulot où je travaille seul et ne manque pas de me descendre une ou deux bières fortes par jour.

Naissance de mon fils. Début des consommations régulières à la maison, quand ma femme est au travail.

Début des découvertes des cadavres de bouteilles par ma femme. Je ne vois pas du tout où est le problème. Les engueulades deviennent très fréquentes: je ne veux pas admettre que je bois et que je fume. Malgré l’évidence. Je suis capable de la blesser, au plus profond d’elle.

Premier jour chez mon employeur actuel, d’une bienveillance et d’une aide sans faille pendant tout mon parcours. Mon employeur a contribué au fait que je sois encore en vie aujourd’hui, et je lui en suis redevable.

 Séparation d’avec ma femme, qui en a marre de mes mensonges (et qui a bien raison), mais j’estime encore que je suis la victime.

Consommation excessive à chaque fois que j’ai le temps de décuver derrière sans conséquences. L’effet dépressif de l’alcool fait son œuvre et je commence une longue dépression.

On me refuse de me confier mon fils à la sortie de son centre de loisirs à cause de mon état. Quelques mètres plus loin, je m’effondre, suis ramassé par les pompiers pour être ramené chez moi. Je ne trouve pas ça juste.

Premier long arrêt maladie pour ma dépression. Qu’est-ce que je fais pendant ce temps ? Gagné : je picole.

Confinement Covid. Picole quasiment H24, et je trouve ça normal. Je m’occupe des enfants disons… le minimum vital, quand ils sont chez moi. Quand ils sont chez leur mère, je suis hors service.

Je mets les pieds au boulot quelques semaines sur toute l’année. Je suis dans un état déplorable, mais je pense que c’est juste à cause de ma dépression. J’en veux au psychiatre qui veut que j’arrête l’alcool (ouais le vilaiiiin il ne veut pas traiter ma dépression… Tu m’étonnes…). Début d’une longue série de passages en services de psychiatrie, entrecoupés de longues périodes seul chez moi, à sombrer dans l’éthanol. Quand je buvais, j’étais une loque : tout à fait ce que je méritais selon moi.

Ma médecin, à qui je croyais donner le change en ne venant pas déchiré, me propose un énième sevrage suivi d’une post-cure. Je suis persuadé que le seul fait de me poser 3 mois dans cet endroit allait définitivement m’ôter l’envie de boire. Erreur : deux jours après la sortie, c’est la rechute. Et une horrible rechute : de juillet à décembre j’aurais fait 9 passages aux urgences, 3 traumatismes crâniens, une nuit au pied de mon immeuble, une nuit en cellule de dégrisement, une autre sur le sol de ma salle de bain. Les pompiers ont dû fracasser une vitre pour venir me chercher. Mes voisins n’en pouvaient plus. 4 passages en psychiatrie, mes proches ont baissé les bras. L’enfer du delirium tremens. En fait, j’aurais dû mourir en 2022.

Fracture ouverte du tibia, facilitée par mon alimentation minable qui a fragilisé mes os et par une expédition avec un carton. Ça ne m’empêchera pas de descendre avec mes béquilles, jusqu’à 4 heures du matin (coucou les voisins) pour récupérer mon litre de vodka auprès d’un livreur Uber Eats. Nouvelle post-cure, que j’aborde de la même manière que la première : « il suffit d’y aller pour guérir ». Puis la révélation, le déclic, l’étincelle : si je veux arrêter l’alcool, je dois avoir confiance en moi. Faire le point sur ma vie, en connecter les points. Faire des trucs dont je suis fier. Ce déclic s’est fait en 24 heures après un atelier d’écriture créative qui a fait pleurer mes compagnons. J’étais capable de faire des trucs avec un impact. Ce sera ce que je veux faire du reste de ma vie. C’est LÀ que je suis né à nouveau. Et que j’ai écrit les premières lignes de ce blog.

L’abstinence se stabilise, je suis toujours heureux. Je ne désire rien: je suis vivant, en bonne santé, et c’est énorme. L’un des buts de ma vie est d’aider les autres à connaître ne serait-ce que 75% de mon bonheur. D’où mon acharnement sur ce site.

2 réflexions sur “Mon parcours d’alcoolique: naissance, chute et renaissance.”

  1. Bonjour,
    Bravo pour ton blog et tes témoignages.
    Je suis l’épouse de Christophe qui mène le même combat que toi.
    L’isolement et l’incompréhension de l’entourage ont été le plus difficile pour moi à surmonter en tant que conjointe. Aujourd’hui nous avons trouvé de l’aide, des associations et surtout notre amour pour avancer et être plus fort que cette saloperie d’alcool.

    1. Bonjour Rachel. Oui, c’est vrai qu’on ne pense jamais assez aux conjoints des malades. Devoir subir leurs consommations excessives, faire face aux colères, aux éventuelles chutes, passages aux urgences, intervention des secours, puis devoir expliquer ce qu’est la maladie à la famille, aux voisins,… Pour au final ne peut être pas voir l’être aimé pendant une cure pouvant durer 3 mois… Je suis admiratif de la compréhension et de la patience dont tu fais preuve. Garde le cap: grâce à toi, Christophe a une arme de poids pour ne pas replonger!
      N’hésitez pas à faire le tour des associations d’ancien consommateurs prêt de chez vous: certaines reçoivent les conjoints. Ça te permettrait de partager ton expérience, de vider ton sac en public (même si ça fait peur ça fait du bien, et il règne dans l’immense majorité des groupes une bienveillance très appréciable).
      Force à vous deux!
      (Tiens je me note pour plus tard: faire un article sur le vécu des conjoints. N’hésitez pas à m’envoyer un mail à [email protected] si vous voulez soit témoigner en deux lignes soit faire l’article à ma place 😅)

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